Agilité à grande échelle : retour sur l’implémentation SAFe dans une DSI

En quelques mots…

La mise en œuvre de l’agilité à grande échelle représente un défi stratégique pour toute DSI souhaitant tirer profit des méthodes agiles tout en conservant une cohérence à l’échelle de l’organisation. Cet article revient sur l’implémentation du framework SAFe (Scaled Agile Framework) dans une direction des systèmes d’information. À travers une approche pragmatique, nous décrivons la structuration des ARTs (Agile Release Trains), l’organisation des PI Plannings, les ajustements progressifs et les obstacles rencontrés. L’objectif : donner une vision réaliste et actionnable de la transformation agile à grande échelle, telle qu’elle est vécue sur le terrain. 🚀


Introduction : Pourquoi SAFe ?

Dans une DSI de grande taille, composée de plusieurs centaines de collaborateurs répartis sur différents domaines métiers, l’adoption de méthodes agiles d’équipe (comme Scrum ou Kanban) montre vite ses limites dès qu’il s’agit de coordonner plusieurs équipes sur des initiatives transverses. 🤯

C’est dans cette optique que notre DSI a fait le choix de se tourner vers le framework SAFe. Ce modèle offre un cadre méthodologique permettant à des équipes autonomes d’agir en cohérence, autour d’une vision partagée et de cycles de livraison synchronisés.

L’objectif était triple :
– Gagner en visibilité sur l’alignement entre les besoins métiers et les capacités informatiques.
– Améliorer la prévisibilité des livraisons.
– Réduire le time-to-market sur les projets stratégiques.

🛠 Structuration des ARTs : vers une agilité organisée

La première étape décisive fut la **définition des ARTs (Agile Release Trains)**. En termes simples, un ART est un regroupement d’équipes agiles (entre 5 et 12 en général) qui travaillent ensemble autour d’un objectif métier commun.

Comment avons-nous procédé ?

1. **Cartographie des flux de valeur** : Nous avons analysé les flux métiers existants pour identifier les chaînes de valeur à optimiser. Cela a permis de découper l’organisation en grandes lignes de produits (Value Streams).

2. **Regroupement pluridisciplinaire** : Chaque ART réunit des développeurs, des testeurs, des architectes, mais aussi des représentants MOA et métiers pour favoriser la transversalité.

3. **Nomination des rôles clés SAFe** : Release Train Engineer (RTE), Product Management, System Architect, Business Owners… Chacun a été formé et engagé dans la démarche.

Résultat : une dizaine d’ARTs ont été constitués sur l’ensemble de la DSI, chacun avec un périmètre métier clair et une autonomie relative dans ses décisions d’implémentation.

📆 L’exercice du PI Planning : organisation et apprentissages

Le PI Planning (Program Increment Planning) est l’un des rituels phares de SAFe. Il permet à toutes les équipes d’un ART de se coordonner sur un trimestre d’activité, en planifiant de manière synchrone leurs objectifs, dépendances et livrables. 🧩

Notre expérience terrain :

– La première session, intensive (2 jours), a été préparée plusieurs semaines à l’avance. Un travail important de **priorisation du backlog** a été mené avec les métiers.
– Près de 80 personnes réunies physiquement et à distance : un vrai défi logistique.
– Les outils de collaboration (Miro, Teams, Jira Align) ont été cruciaux pour réussir cet événement hybride.

Constat : Si les premiers PI Plannings étaient brouillons, ils ont très vite gagné en maturité et en efficacité à mesure que les équipes s’appropriaient le format et que les rôles prenaient confiance dans leur mission.

Quelques bonnes pratiques qui ont émergé :
– Préparer les objectifs business en amont pour éviter un backlog technique stérile.
– Prévoir un facilitateur par équipe pour fluidifier les échanges pendant l’événement.
– Intégrer systématiquement un volet “capacité réelle vs charge” pour éviter l’effet tunnel.

🚧 Les obstacles rencontrés sur le chemin

Comme toute transformation, celle-ci n’a pas été linéaire. Voici les principaux écueils identifiés en cours de route :

1. Résistance culturelle : Plusieurs managers exprimaient des craintes quant à la perte de contrôle ou le flou des responsabilités. Un temps de pédagogie personnalisé a été nécessaire pour accompagner ce changement de posture.

2. Priorisation floue : L’absence d’un réel arbitrage transverse initialement a entraîné des tensions entre équipes pour le partage des ressources. La mise en place d’un Portfolio Management a permis d’y remédier progressivement.

3. Surmenage des RTE ✋ : Ces rôles-clés, véritables orfèvres du fonctionnement des ARTs, se sont rapidement retrouvés débordés. Nous avons renforcé leur accompagnement (mentoring, communauté de pratique, outils dédiés).

4. Trop de cérémonies, pas assez d’action : Un classique. Certaines équipes ont ressenti une surcharge rituelle. Nous avons donc simplifié progressivement le planning en ne gardant que les cérémonies réellement utiles à la synchronisation et la transparence.

📊 Résultats observés après plusieurs trimestres

Après 12 mois de mise en œuvre progressive, plusieurs bénéfices concrets ont été constatés : ✅

– Un meilleur **alignement stratégique** entre la DSI et les directions métiers.
– Des cycles de livraison plus réguliers, avec un taux de réalisation des PI Objectives en hausse continue.
– Une plus grande transparence sur les dépendances entre équipes, ce qui a contribué à réduire les blocages en cascade.
– Une dynamique de responsabilisation renforcée, où chaque équipe comprend mieux l’impact de son travail dans l’ensemble du produit ou service.

Toutefois, SAFe ne résout pas tout par magie. Il faut l’adapter aux spécificités de son organisation pour éviter l’écueil d’un modèle “boîte noire” trop rigide.

🔧 Retours d’ajustement : SAFe sur-mesure

Conformément à son intention, SAFe est un framework “configurable”. À partir du 3e PI, nous avons adapté certains aspects pour mieux coller à notre culture d’entreprise :

– Les PI plannings sont devenus **mixtes (présentiel + distanciel)** pour maximiser la participation.
– Nous avons introduit des **équipes de design produit** intégrées aux ARTs pour anticiper les problématiques d’UX et de vision produit.
– Une simplification du modèle Portfolio a été engagée, pour éviter une bureaucratie excessive sur les Epic Owners et LPM.

L’approche de transformation reste incrémentale. Nous n’avons pas activé tous les niveaux de SAFe (par exemple le niveau Large Solution n’a pas été jugé pertinent dans notre contexte).

Conclusion : Conseils d’un praticien SAFe 🧠

La mise en œuvre de SAFe dans une DSI est un projet à part entière, nécessitant une stratégie d’adoption progressive, du sponsoring, et un accompagnement constant du changement. Voici quelques conseils d’expert :

– Ne sous-estimez pas l’importance de **l’alignement culturel**. Impliquer les managers dès le départ est essentiel.
– Formez largement les équipes aux fondamentaux agiles, pas seulement au “cadre SAFe”.
– N’appliquez pas SAFe comme une religion : adaptez-le à votre réalité, vos produits, vos contraintes.
– Et surtout, gardez à l’esprit que l’objectif est de **mieux livrer de la valeur**, pas de cocher des cases méthodologiques.

Avec pragmatisme, humilité et rigueur, SAFe peut devenir un véritable levier de synergie pour vos équipes IT. 💡

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